Qu'as-tu appris quand ta vie s'éveillait
Partir, subir, ne pas faiblir, veiller
Sans pleurer ceux qui cessaient de marcher
Voler, mentir, courir et te cacher


Rêver la vie quand l'enfer s'éloignait
Rire, chanter, aimer et admirer
Délier tes tresses pour y respirer
Le parfum des fleurs de frangipanier


Et sans un mot tout couper, t'en aller
Les yeux baissés, le visage voilé,
Défier la nuit sur des sentiers piégés
Perdre ton nom sur un sol étranger


Qu'as-tu appris quand ta vie s'étiolait
Imprudente il fallait te protéger
Tout valait mieux que les soldats en noir
Et tu riais - même sous l'éteignoir


La pluie n'arrêtait pas les feux follets
La nuit ne fermait pas les yeux violés
Muets d'effroi lorsque les chiens hurlaient
Au vent qui sifflait dans les barbelés


Et chaque jour d'espoir réinventé
La vie coulait de cuves argentées
On était bien vivants puisqu'on dansait
Au loin les orgues enfin se taisaient


Qu'as tu appris quand le sang et le fer
Traversaient fossés, checkpoints et frontières
Lorsqu'étonnée d'être vivante encore
Il fallait veiller les jeux d'enfants morts


Et l'on vivait pourtant, et tu riais
On s'engageait en chantant, on priait
Un jour, si l'espérance t'a fait marcher
Nous reviendrons ici sans nous cacher


Peux-tu noyer dans le blanc de la nuit
Indifférente à l'amour, à l'ennui
Dans ton silence à gorge déchirée
L'ombre d'un temps niant l'éternité


Qu'as-tu appris dans la grande kermesse
Pouvais-tu croire encore à nos promesses
Aux couvre-feu, aux villas grillagées
Aux fils d'argent dans des ciels ravagés


Laisser mourir les spectres emmurés
Survivre au gouffre où tu plongeais prostrée
Aux mots claqués aux terreurs endurées
Aux morts enfouis mais jamais enterrés


Brûlons ces draps qu'on ne savait froisser
Ces feuilles mortes rouges du passé
Le feu ne tue pas il met en lumière
Comme l'oiseau vivons les bras ouverts